Résumé : Judy Garland, dont la vie s’étiole entre absence de propositions professionnelles, notes d’hôtels impayées, médicaments et vie de mère évidemment tangente, erre en Californie et n’entrevoit pas d’avenir. Mais la suggestion d’un amant, l’incitant à gagner Londres pour s’y produire, lui ouvre une nouvelle perspective de salut, financier notamment, au prix de l’éloignement des siens.

Notre avis :
L’enfant chérie de Hollywood a bien mûri : la cinquantaine chancelante, le geste flou et sec à la fois, l’air hébété de la star assurent bien vite le spectateur de la déchéance qui couve. Le sujet pourrait être cinématographiquement intéressant : splendeur et décadence, chant du cygne, sillage radiant d’une trajectoire brisée, tout cela a fait l’objet de plus d’une œuvre réussie. Las, le spectacle que nous inflige le réalisateur, Rupert Goold, habitué des biopics, est consternant dès l’exposition, rapide et terriblement didactique. Flash-back sur l’enfance de Garland, jugulée à l’extrême, dans les studios hollywoodiens : ainsi éclairé, le spectateur comprend qu’il n’y a pas de fumée sans feu. La mère divorcée, promenant ses deux enfants d’un toit à l’autre, entre deux gélules, est la victime de l’industrie cinématographique qui l’a brisée très tôt. Soit. Rien, dans le film, ne propose d’aller plus loin : ni parti pris artistique, ni hors-champ, ni mystère. Même la studieuse reconstitution des années 60 semble dire « Regardez comme je suis réaliste ».

© David Hindley

Renée Zellweger cabotine. Dans sa quête d’imitation – au détriment de l’interprétation – l’actrice parvient à perdre ce qu’il y a de mutin et de grâce menacée chez Judy Garland. Bien pénible d’être condamné à voir ce regard sans objet, ce corps agité comme un pantin, ces scènes dans lesquelles, toutes cordes vocales et tous mollets contractés, l’actrice cherche en vain le sublime et ne trouve que le grotesque… La bouche maquillée comme un mérou volé et l’élocution entravée n’aident en rien la prestation.

© David Hindley

Les personnages secondaires, tous falots, n’apportent pas non plus l’once d’un plaisir au spectateur. Impossible, par exemple, de comprendre l’irruption de ce couple gay dans l’intrigue. À moins : 1) qu’elle ne serve de clin d’œil à la cause gay dont Garland fut une « icône », 2) qu’elle ne permette d’offrir au film cette phrase philosophique de l’actrice : « L’Homme pourchasse tous ceux qui sont différents ». Des phrases, en guise de pseudo-morale, il y en aura d’autres, tout aussi inspirées : « Le chemin, c’est la vie » (à moins que ce ne soit l’inverse) ou encore « On a tous besoin d’espoir ».

© David Hindley

On passera sur le conflit femme accomplie / mère en berne, sur lequel s’appuie le résumé officiel du film, mais certainement pas le film. On passera sur l’évocation de la toute-puissance d’un producteur hollywoodien sur une enfant, référence molle aux affaires de type Weinstein, histoire d’inscrire le film dans une vague actualité. En fait, on passera sur tout. Le film est vulgaire, vain et prévisible. Quoi qu’en disent les Oscars, non, aucune étoile n’est (re)née ici.

© David Hindley

Une critique publiée sur À Voir – À Lire.com, visible ici.